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L'UNE des Steppes 97/98 PARCOUR mai juin 1998
texte de KAROL K
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Littéralement,
mon petit, cela veut dire que ta nécessité fondamentale
d’exécuter certaines actions a pour but, non pas de créer
quelque chose qui n’était pas là avant toi; mais, au contraire,
en répétant ces actions d’épouser, est-ce cela comment
dit, le chemin antérieur de tes précédents, ce qui
peut te rendre capable d’aller plus loin qu’eux et d’obtenir le résultât
final sans le rechercher forcément. Prends-le comme un simple
exercice ascétique quand il t’arrive lors d’une performance de
bouger très très lentement, comme Takehisha Kosugi, ou de
faire de la poésie bruitage à l’aide d’une pierre, comme
Christian Wolf, de faire éclater le noir, comme un Soulage, de
peindre par le feu, tel un Klein; ou bien s’il se trouve que ton texte
chéri présente quelque noble non-sens, comme tant d’autres
nobles textes, ou encore si un objet naturel se retrouve avec ta petite
aide à l’intérieur de l’espace d’exposition.
Dans chacun de ces cas il
est vivement conseillé de ne jamais essayer de créer quoi
que ce soit, pas plus que d’éviter toute pensée concernant
ce processus, comme il était récemment remarqué, l’inconscience
ne marche plus depuis que le réseau protecteur remplit ses fonctions
à l’échelle planétaire.Remarque que quand tu ne réfléchis
pas, tu es aussi bien réfléchie de l’extérieur
comme si tu le faisais toi-même. Chaque jour des milliers de personnes
de par le monde acquièrent à tour de rôle, sans laisser
des empreintes, le niveau exigé de modernité par le biais
d’assimilation progressive des connaissances conceptuelles contemporaines.
Comme ils témoignent, le monde a vraiment changé. L’un d’entre
eux, Serge Moscovici, a observé que tout ce qui commence, commence
sous la forme de l’art, de sorte que la nature d’aujourd’hui est généralement
l’art d’hier.
De plus, nous ne pouvons plus
nous appuyer sur des analogies historiques qui sont devenues le lot du
journalisme, et, par conséquent, ne sont plus d’aucune utilité
pour ceux qui continuent à rouler. Cela veut dire, que cela signifie,
que cela peut être lu, compris ou interprété, comme
si nous avions à faire à une chose complètement
nouvelle, du jamais vu jusqu’alors, ni de ceux qui pensaient et agissaient
il y a deux siècles, ni de ceux qui faisaient ainsi il y a vingt
ans ni de qui que ce soit d’autre sauf toi,mon petit. Curieux, ceux qui
pratiquent l’abstention de la réflexion la sentent venir, mais,
malheureusement, ils ne seront jamais capables de partager leur savoir
avec toi, comme s’ils étaient réellement et formellement
morts et hermétiquement renfermés sans aucune possibilité
d’échange entre les monades et les cellules autorégulables,
quelle pitié.
S’il t’arrive
de lire quelque part ou d’en entendre parler. Le vieux rêve de
l’humanité est réalisé et accompli. Je veux dire
que notre entourage est devenu art. Souviens-toi, hier ils ne connais-saient
aucun art digne de ce nom, aucun art qui ne soit beaux, aucun art dérangeant,
voir contemporain, car, il est clair c’était hier. Aujourd’hui
c’est impossible d’aller se promener sans avoir la vue pleine d’art et
de littérature, sur les murs, dans le métro, sans parler
des écrans, oh non, n’en parlons pas. Oui, le grand combat est gagné,
il n’y a plus d’art ni d’artiste ou tout est art et chacun est artiste,
cela revient au même, n’es-tu pas ravi, mon petit?
- Ne soit pas triste, veux-tu qu’on aille ou musée? Non pas
comme
l’artiste de Valéry, l’espion jaloux, abreuvé
du dégoût, mais comme un
citoyen, ayant ses petites habitudes et lubies? Cet
événement tant
attendu ne te fait-il pas jouir avec nos maîtres
à penser? Quel aliénation!
Avoir peur de simulacres de quatrième ordre,
comme si
c’étaient des loups-garous. Ou, tout simplement,
ne crois-tu pas ceux
qui disent:”C’est ça l’art, jouissons-en”. Selon
le conseil de Tingle
et Emmerson, mesurons la qualité d’oeuvre par
la durée de notre jouissance
qui suit sa contemplation.
- J’ai regardé la télévision
aussi, je ne suis pas un sauvage, et
je ne les crois pas trop non plus, et je te dirai pourquoi:
parce
qu’ils vendent.Imagine, il était une fois des
heureux paysans, des
tribus, où chacun faisait de l’art à
sa façon, de l’art anonyme, sincère,
primitif, naïf, spontané, bête, éternel,
populaire, charmant. Et
maintenant tu peux en acheter de ton argent, de l’art,
si tu en as
tant besoin, de l’éternel, de l’anonyme aussi,
de primitif, naïf,
bête, populaire, charmant, spontané, c’est
toujours quelque peu pécuniaire
au niveau du sincère, mais le progrès
l’arrangera, si cette
sincérité n’est pas de la spéculation
pure et simple.
- Etant habituée à
jouer avec ma vielle poupée en bois, je ne veux
pas d’une en plastique, c’est mon droit, non? Et naturellement,
mon
art est vraiment populaire, un regardeur peut s’identifier
honnêtement
avec lui et s’exclamer: “Oh, que c’est ravissant, moi-même,
j’ai toujours
pensé ainsi, mais je ne pourrais jamais le dire
aussi bien, et
puis, faire un tableau, quel travail! Je l’achèterai
et je l’aurai
comme si c’était moi qui l’avait fait.”
Sûrement, cela
ouvre un vaste champ de manipulation: chacun ou
presque avec un peu d’application peut être transformé
en acheteur
idéal avec des goûts idéaux, as
they say, buy it, buy, buy-buy, baby.
Mais moi ce n’est pas pareil, je ne pourrais lire qu’une
seule
Histoire, mais elle n’est pas encore écrite,
dit Duras et cela demeure
ainsi. C’est pourquoi je n’ai pas d’autre choix que
de l’écrire moi-même.
Que de continuer de parler jusqu’à ce que ça
parle vrai
KAROL K